Monter jusqu’au septième ciel ?

Jésus parle du royaume des cieux, on peut y comprendre un pluriel de majesté comme c’est souvent le cas dans la pensée hébraïque, par exemple Elohim (« dieux » désignant « Dieu le Père »). Matthieu préfère utiliser l’expression « royaume des cieux » tandis que Luc penche plutôt pour « royaume de Dieu » sans distinction de sens. Les juifs comme Matthieu emploie souvent des métonymies pour ne pas dire le nom de Dieu par pudeur, ne voulant pas prendre le nom de Dieu en vain et désobéir aux 10 commandements.

Ceci étant dit, il y a réellement plusieurs cieux, même si l’expression « royaume des cieux » n’est pas une indication en ce sens comme telle. Paul mentionne qu’il est monté jusqu’au troisième ciel, ce qui signifie que c’Est le ciel le plus élevé qui soit puisqu’il se trouvait dans le paradis de Dieu.

2Corinthiens 12:1-4 Il faut se glorifier… Cela n’est pas bon. J’en viendrai néanmoins à des visions et à des révélations du Seigneur. Je connais un homme en Christ, qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu’au troisième ciel si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait). Et je sais que cet homme si ce fut dans son corps ou sans son corps je ne sais, Dieu le sait) fut enlevé dans le paradis, et qu’il entendit des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer.

Dans la pensée de l’époque, plusieurs ne se sont pas arrêtés à trois cieux toutefois. Le livre de l’Ascension du Prophète Isaïe, récit apocryphe (c’est à dire qui n’est pas rangé dans le canon officiel catholique et orthodoxe des écrits religieux juifs et chrétiens) conservé toutefois en entier par l’Eglise Orthodoxe Ethiopienne raconte la vision du prophète contemplant le Christ qui traverse les sept cieux par deux fois, l’une pour descendre vers la terre, l’autre pour remonter vers les espaces supérieurs.

Les 7 cieux selon Irénée – évêque de Lyon au 2e siècle ap. J.C., un Père de l’Eglise enseigné par Polycarpe qui avait connu l’apôtre Jean – rappelle la division du ciel mise de l’avant par les hérétiques gnostiques dont il s’est affairé à combattre les élucubrations fantaisistes. Voici ce qu’il raconte dans son livre sur la prédication des apôtres et ses preuves, servant de catéchisme aux nouveaux convertis :

9. Or le monde est entouré de sept cieux, où habitent des puissances innombrables, les anges et les archanges qui sont les liturges du Dieu tout-puissant et auteur de toutes choses. Non point que Dieu ait besoin des anges, mais il ne veut pas les laisser inactifs, inutiles. Pour cela, l’Esprit de Dieu est multiple dans son influence intérieure. Le prophète Esaïe, en énumérant les 7 dons, parle de cet Esprit qui reposera sur le Fils de Dieu, c’est-à-dire sur le Verbe au moment de son incarnation. Et en effet :

Ésaïe 11:2 L’Esprit de l’Eternel reposera sur lui: Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de l’Eternel.

Or le premier ciel, le plus élevé, celui qui contient les autres, c’est la sagesse ; le second, c’est celui d’intelligence ; le troisième, celui de conseil, et le quatrième, à partir d’en haut en descendant, c’est celui de force ; et le cinquième, celui de science ; et le sixième, celui de piété ; et le septième est ce firmament-ci, plein de la crainte de cet Esprit qui illumine les cieux. Or Moïse en a reçu l’image dans le candélabre à sept branches, qui étant continuellement allumé dans le sanctuaire. En effet, il a établi le culte à l’image des cieux, ce pourquoi le Verbe lui dit:

Exode 25:40 Regarde, et fais d’après le modèle qui t’est montré sur la montagne.

10. Or, ce Dieu est glorifié par son Verbe, qui est son Fils éternel ; et par l’Esprit Saint, qui est la sagesse du Père de tous. Et leurs puissances qu’on appelle Chérubins et Séraphins, glorifient Dieu par leur chant sans fin ; et toutes les créatures célestes doivent rendre gloire à Dieu, le Père de tous. C’est lui qui, par son Verbe, a composé le monde entier et à ce monde appartiennent aussi des anges. Il a donné au monde entier des lois pour que chaque être se tînt à sa place sans dépasser les limites fixées par Dieu, et accomplît l’oeuvre prescrite à chacun d’eux.

Contrairement à la pensée populaire de nos jours, selon cette approche expliquée par Irénée, le septième ciel est le moins élevé et le premier ciel le plus élevé. C’est quand même assez surprenant car l’apôtre Paul parle d’être monté au troisième ciel, ce qui, va de soi, implique que les deux premiers cieux étaient plus bas que le troisième et qu’il n’y en a pas d’autres après puisque ce troisième ciel est celui où Paul a rencontré Jésus en personne. Il est inimaginable qu’il y est encore des cieux plus élevés peuplés d’anges que celui où habite le Seigneur !

Quoique cette présentation d’Irénée ne soit pas dénuée d’intérêt, la Bible ne mentionne nulle part qu’il y ait sept cieux, en fait, elle n’en nomme que trois. Remarquons aussi que son argumentation repose sur une interprétation allégorique du Menorah, le candélabre à sept branches. Ce genre d’interprétation allégorique prendra de l’ampleur au siècle suivant avec Clément d’Alexandrie et Origène, ouvrant la porte à bien d’autres aberrations doctrinales dont l’Église a eu à débattre.

Voici ce qu’a écrit francis Melville dans « Le petit guide des anges » à propos des 7 cieux :

La conviction qu’il existe sept cieux, plutôt que d’un seul, fait partie intégrante des traditions juives, chrétienne et musulmane. Nous utilisons toujours l’expression « être au septième ciel » pour exprimer un état d’extase, ce qui a du sens puisque le septième ciel est le royaume de la plus haute perfection, le lieu ou Dieu réside. Vieille de quelques 7000 ans, cette tradition appartient à la civilisation sumérienne de Mésopotamie qui a engendré les cultures babylonienne et chaldéenne, lesquelles ont exercé à leur tout une énorme influence dans le développement de l’angéologie au Proche Orient. On peut imaginer les sept cieux comme une série de cercles concentriques portant la Terre en leur centre.

Donc l’expression « monter au septième ciel » relève du paganisme qui s’est infiltré dans la théologie chrétienne de certains Pères de l’Église. La Parole de Dieu parle plutôt du premier ciel qui est l’atmosphère respirable, le deuxième ciel qui est l’espace intersidéral et enfin le troisième ciel qui est la demeure des esprits, qu’on appelle aussi les lieux célestes où évoluent les bons comme les mauvais anges, car il y a plusieurs endroits dans le troisième ciel.

Éphésiens 6:12 En effet, ce n’est pas contre l’homme que nous avons à lutter, mais contre les puissances, contre les autorités, contre les souverains de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal dans les lieux célestes.

Jude 9 Même l’archange Michel n’a pas fait cela. Dans sa querelle avec le diable, lorsqu’il lui disputait le corps de Moïse, Michel n’osa pas porter une condamnation insultante contre lui; il lui dit seulement: « Que le Seigneur te punisse! »

Apocalypse 12:7 Alors une bataille s’engagea dans le ciel. Michel et ses anges combattirent le dragon, et celui-ci se battit contre eux avec ses anges.

Vu l’étendue des deux premiers cieux, il serait incongru que le troisième ciel, le plus important soit un endroit contigu. Le troisième ciel peut largement contenir toutes les créatures de Dieu qui se comptent par milliards et qui vont passer devant le grand trône blanc au jugement dernier.

Apocalypse 20:11 Puis je vis un grand trône blanc, et celui qui était assis dessus. La terre et le ciel s’enfuirent devant sa face, et il ne fut plus trouvé de place pour eux. 12 Et je vis les morts, les grands et les petits, qui se tenaient devant le trône. Des livres furent ouverts. Et un autre livre fut ouvert, celui qui est le livre de vie. Et les morts furent jugés selon leurs oeuvres, d’après ce qui était écrit dans ces livres.

avril 10, 2019

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