Quelle date Jésus est-il né, est-ce à Noël ?
En occident, on a une fixation avec les dates, on nous apprend à l’école les dates importantes dans l’histoire de l’humanité ; le 2 septembre 1945 marque la fin de la deuxième guerre mondiale. Les amateurs de tel sport peuvent vous dire quelle équipe a remporté tel championnat en telle année ; on connaît la date de notre naissance et même certains en connaissent l’heure et la minute, nos proches sauront aussi la date de notre départ à la rencontre du Seigneur (pour ceux qui sont sauvés) mais en ce qui concerne la personne la plus importante de l’histoire, peu savent vraiment même l’année de sa naissance ; prenant pour acquis que c’est l’an 0 mais, surprise, ce n’est pas le cas ! À l’époque biblique, on ne calculait manifestement pas les dates à partir de la naissance de Jésus mais cela ne veut pas dire qu’il était impossible de situer les événements dans le temps. Il y a plusieurs indices dans les évangiles nous permettant de déterminer l’année de naissance de Jésus, voire même la date exacte. C’est surtout Luc, dans son évangile, qui nous aide à situer à quelle époque la naissance de Jésus a eu lieu :
Luc 2:1 En ce temps-là parut un édit de César Auguste, ordonnant un recensement de toute la terre.
2 Ce premier recensement eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie.
3 Tous allaient se faire inscrire, chacun dans sa ville.
4 Joseph aussi monta de la Galilée, de la ville de Nazareth, pour se rendre en Judée, dans la ville de David, appelée Bethléhem, parce qu’il était de la maison et de la famille de David,
5 afin de se faire inscrire avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte.
6 Pendant qu’ils étaient là, le temps où Marie devait accoucher arriva,
7 et elle enfanta son fils premier-né.
Dans son livre « Apologie en faveur des Chrétiens adressée à Antonin le Pieux », Justin Martyr confirme les informations bibliques concernant l’époque où Jésus est né (Quirinius, gouverneur de Syrie, cf. Luc 2:2) et où il a commencé à enseigner :
34. Quant au lieu de la naissance du Christ, écoutez ce qu’en a dit Michée, un autre prophète:
« Et toi, Bethlehem, terre de Juda, tu ne seras pas toujours la dernière parmi les princes de Juda; car de toi sortira le chef, le pasteur de mon peuple. » Or Bethlehem est un bourg dans la terre de Judée, situé à trente-cinq stades de Jérusalem: c’est là que le Christ est né; vous pouvez vous en assurer par les tables du recensement que leva en Judée Cyrenius, le premier des présidents de cette province. 46. (…) nous avons avancé que Jésus-Christ était né il y a cent cinquante ans, sous la présidence de Cyrenius, et qu’il a commencé à enseigner sous celle de Ponce-Pilate
Jésus est donc né lors du recencement ordonné par César Auguste. Il y a eu plusieurs recensements dans ces décennies, le recensement correspondant à cette époque s’est produit en l’an 2 av JC. Voici un extrait des ENQUETES CHRONOLOGIQUES N°2, publiées en novembre 2005 « DATATION DES RECENSEMENTS DE QUIRINIUS ET DE SA CARRIÈRE » par Gérard Gertoux, doctorant en Archéologie et histoire des mondes anciens. Maison de l’Orient Université Lyon:
«Les témoignages les plus anciens sont unanimes pour dater la naissance de Jésus avant notre ère. Élément remarquable de concordance, les historiens des six premiers siècles ont situé la naissance de Jésus (associée à l’époque du recensement de Quirinius) autour de -2:
➢ Vers 148-152, Justin écrit qu’elle eut lieu 150 ans auparavant sous le procurateur Quirinius (Apologie I:46:1)
➢ Vers 170-180, Irénée de Lyon la situe dans la 41e année du règne d’Octave [-43 14] (Contre les hérésies III:21:3).
➢ Vers 194, Clément d’Alexandrie la situe 194 ans avant la mort de Commode [en 192] (Stromates I:21:145).
➢ Vers 200, Hippolyte de Rome la situe en l’an 752 de la fondation de Rome [fixé en -753 selon le comput varronien habituellement utilisé par les auteurs anciens] (Commentaire de Daniel IV:23).
➢ Vers 207, Tertullien la situe dans la 41e année du règne d’Auguste et 28 ans après la mort de Cléopâtre [en -30] (Adversus Judaeos VIII:11:75).
➢ Vers 231, Origène la situe dans la 41e année du règne d’Auguste et 15 ans avant sa mort (Homélies sur Luc 3:1).
➢ Vers 325, Eusèbe la situe dans la 42e année du règne d’Auguste et 28 ans après la mort de Cléopâtre [en -30] (Histoire ecclésiastique I:5:2).
➢ Vers 357, Épiphane la situe l’année où Auguste XIII et Silvanus furent consuls (Panarion LI:22:3).
➢ Vers 418, Paul Orose la situe en l’an 752 de la fondation de Rome (Histoires contre les païens VI:22,1).
La date en -2 est donc solidement établie. (…) La mort d’Hérode le Grand peut être datée précisément au 26 janvier -1 grâce aux indications calendériques de la tradition juive qui la fixe au 2 Shebat et aux informations de Flavius Josèphe qui place cette mort juste après un jeûne (celui du 10 Tebeth correspond au 5 janvier en -1) et une éclipse de lune, datée du 10 janvier -1 par l’astronomie.»
Comme les bergers étaient dans les champs lors de la naissance de Jésus, cela ne pouvait être en décembre, le mois pluvieux le plus froid en Israël. Jésus est né vraisemblablement à la fin du mois de septembre, lors de la Fêtes des Tabernacles, la plus ancienne des fêtes juives. Chaque fête juive représente une événement important dans la vie de Jésus et de son église. L’évangile de Jean nous rappelle que Jésus est venu habiter (tabernacler en grec) parmi les hommes. Les fêtes de Pâques, de la Pentecôte et des Tabernacles étaient jugées si importantes que tout adulte du sexe masculin en bonne santé, et n’ayant pas d’infirmité, devait, lors de ces fêtes, se présenter devant le Seigneur au lieu de son sanctuaire : le Temple de Jérusalem. Cf. Exode 23:14-17 et Deutéronome 16:16.
Jean 1:14 Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père.
Deutéronome 16:16 Trois fois par année, tous les mâles d’entre vous se présenteront devant l’Eternel, ton Dieu, dans le lieu qu’il choisira : à la fête des pains sans levain, à la fête des semaines, et à la fête des tabernacles.
L’historien Gérard Gertoux la situe exactement le 29 septembre (la même date de naissance que mon fils William, 1990 ans plus tard).
Selon le texte biblique, Jésus est né dans une famille de Galilée vivant à Nazareth puis, à cause de l’enregistrement ordonné par Auguste, cette famille dut se déplacer à Bethléhem, à la maison natale de Joseph. En arrivant à Bethléhem, vers fin septembre -2, Marie accouche de Jésus le 29 septembre puis, conformément à la coutume juive, monte au Temple de Jérusalem 40 jours plus tard soit le vendredi 7 novembre. Vers la fin novembre, des astrologues, sans doute venus de Babylone, patrie d’origine de l’astrologie, atteignent Jérusalem. Quelques jours plus tard, ils arrivent vers l’enfant Jésus, puis repartent vers Babylone mais sans repasser par Jérusalem. Fin décembre, voyant qu’il avait été joué, Hérode décide de faire tuer tous les nouveau-nés de Bethléem. Les parents de Jésus, avertis du projet, partent en Égypte. Si Hérode ignorait l’âge de l’enfant, il connaissait par contre le moment où l’étoile était apparue, soit au début du voyage des astrologues. Si ceux-ci sont venus de Babylone à dos de chameaux, cela a dû leur demander environ 4 mois de trajet (les armées perses se déplaçaient à une vitesse moyenne de 21 kilomètres par jour et auraient parcouru cette distance en seulement 2 mois).
Pour ce qui est du début du ministère de Jésus, on peut encore se fier sur Luc et aussi sur Jean.
Luc 3:1 La quinzième année du règne de Tibère César, — lorsque Ponce Pilate était gouverneur de la Judée, Hérode tétrarque de la Galilée, son frère Philippe tétrarque de l’Iturée et du territoire de la Trachonite, Lysanias tétrarque de l’Abilène
Jean 2:20 Les Juifs dirent : Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours tu le relèveras !
Je fais appel à nouveau aux commentaires de Gérard Gertoux pour ces deux passages :
«Pour les contemporains de Luc, la 15e année de Tibère courait donc du 19 août 28 au 18 août 29. Selon ce comput, le baptême de Jésus, six mois après le début de la prédication de Jean le Baptiseur, est donc à situer entre le 19 février 29 et le 18 août 29. Par déduction, si Jésus avait environ 30 ans lors de cet événement, sa naissance devait remonter vers la période comprise entre le 19 février -2 et le 18 août -2. La détermination du terme « environ » n’étant pas donnée, il est seulement possible de fixer l’année de naissance en -2. Le temple fut terminé au début de l’an -17, ce qui permet de placer le début du ministère de Jésus 46 ans après, soit vers la fin de l’an 29 (car il n’y a pas d’année 0 pour les historiens), et la première Pâque vers le début de l’an 30.»
Jésus-Christ aurait donc commencé son ministère en l’an 29 vers l’âge de 30 ans, âge significatif puisque c’était à 30 ans que les hommes pouvaient commencer à servir comme sacrificateurs dans la tente d’assignation :
No.4:34 Moïse, Aaron et les princes de l’assemblée firent le dénombrement des fils des Kehathites, selon leurs familles et selon les maisons de leurs pères,
35 de tous ceux qui, depuis l’âge de trente ans et au-dessus jusqu’à l’âge de cinquante ans, étaient propres à exercer quelque fonction dans la tente d’assignation.
Son ministère a duré au moins 3 ans, puisque Jean mentionne 4 fêtes de Pâques dans son évangile (Jn.2:13 en 30, Jn.5:1 en 31, Jn.6:4 en 32 et Jn.13:1 en 33).
La crucifixion de Jésus se serait produite le 3 avril 33 ap JC. Voici comment l’historien Gérard Gertoux va chercher d’autres appuis bibliques et séculiers pour le confirmer.
Cette année 33 concorde également avec la chronologie des périples de l’apôtre Paul. D’après le texte des Actes, sa conversion eut lieu peu après la mort de Jésus et le meurtre d’Étienne. Or, 3 ans après cet événement Paul monta à Jérusalem une première fois pour officialiser la conversion des non Juifs, puis une nouvelle fois 14 ans après pour régler la question de la circoncision. Une fois ce concile terminé, Paul rencontra Priscille et Aquila, récemment expulsés d’Italie sur ordre de Claude. Cette expulsion est relatée par Suétone. Paul Orose la situe dans la 9e année de Claude et il ajoute qu’il y eut une famine à Rome l’année suivante, que Tacite date en 51. Si Paul a rencontré ses deux coreligionnaires en 50 de notre ère, 17 ans après son baptême marquant le début de son activité, la mort de Jésus s’est bien produite en 33 de notre ère.
Luc évoque des ténèbres surprenantes qui durèrent trois heures de midi à 15 heures, heure de la prière, durée bien plus longue qu’une éclipse de soleil. Plusieurs auteurs rapportent cet événement surprenant. Thallus, historien samaritain du 1er siècle, déclare dans le troisième livre de ses Histoires (rapporté par Jules l’Africain vers 220 de notre ère): «Dans le monde entier, une obscurité effrayante, par l’obscurcissement d’une éclipse de soleil, se répandit et, par l’effet d’un tremblement de terre, des rochers se fendirent et de nombreux bouleversements se produisirent en Judée et dans le reste de la terre». Phlégon de Tralles, un historien grec du 2e siècle (mort en 156), donne une précision, rapportée par Eusèbe: «En la quatrième année de la CCIIe olympiade, il y eut une éclipse de soleil, la plus grande que l’on eut jamais vue, et la nuit se fit à la sixième heure du jour [midi], au point que les étoiles furent visibles dans le ciel. Et un grand tremblement de terre, ressenti en Bithynie, causa de nombreux bouleversements à Nicée». La 4e année de la 202e olympiade va de juillet 32 à juillet 33, confirmant la date de 33.
Deux éléments indirects fournis par les Évangiles confirment cette datation. Le jour de la Pâque pouvait tomber sur n’importe quel jour de la semaine, qui devenait un sabbat. Du fait du mode de calcul du calendrier juif, ce 14 Nisan tombait toujours un jour de pleine lune. Si le sabbat du 15 Nisan coïncidait avec le sabbat habituel du samedi, on parlait alors « d’un grand sabbat ». Selon Jean, Jésus fut ressuscité le premier jour de la semaine du système juif (notre dimanche). Jésus est donc mort le vendredi 14 Nisan. Puisque ce jour était un jour de pleine lune visible de Palestine, il est possible de calculer quel était le jour de la semaine correspondant au 14 Nisan de notre calendrier. Les calculs astronomiques permettent de constater que le seul jour qui tombe un vendredi entre 29 et 34 est le vendredi 3 avril 33 (voir le complément d’astronomie).
(…) Une précision du livre des Actes semble renvoyer aux phénomènes célestes qui se produisirent lors de la mort de Jésus: «le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang». Généralement lors d’une éclipse de lune, celle-ci apparaît rouge-sang, ce qui serait l’explication la plus naturelle du texte des Actes. Or il y eut effectivement une éclipse partielle de lune le vendredi 3 avril 33. Cette éclipse qui commença à 15h40, et fut visible à Jérusalem de 17h50 à 18h30, permet donc de confirmer cette date. Les ténèbres, qui durèrent de 12 à 15 heures selon Luc, ne peuvent correspondre à une éclipse de soleil car celle-ci ne peut excéder une durée maximale de 7 minutes 30.
La date de la mort de Jésus est donc confirmée par l’astronomie. Le texte biblique indique que cette mort eut lieu à la 9e heure, cela permet de fixer précisément la date de la mort de Jésus au vendredi 3 avril à 15 heures, la 1ère heure commençant à 6 heures du matin.
Tout cela se tient bien, l’exposé réalisé par l’historien Gérard Gertoux est convaincant. Toutefois, l’évêque et apologète Irénée de Lyon, vers 180 ap JC, disciple de Polycarpe qui avait été disciple de l’apôtre Jean y va d’une affirmation très intriguante dans son livre contre les hérésies :
II 22:4 Car, tout le monde en conviendra, l’âge de trente ans est celui d’un homme encore jeune, et cette jeunesse s’étend jusqu’à la quarantième année : ce n’est qu’à partir de la quarantième, voire de la cinquantième année qu’on descend vers la vieillesse. C’est précisément cet âge-là qu’avait notre Seigneur lorsqu’il enseigna : l’Evangile l’atteste, et tous les presbytres d’Asie qui ont été en relations avec Jean, le disciple du Seigneur, attestent eux aussi que Jean leur transmit la même tradition, car celui-ci demeura avec eux jusqu’aux temps de Trajan. Certains de ces presbytres n’ont pas vu Jean seulement, mais aussi d’autres apôtres, et ils les ont entendus rapporter la même chose et ils attestent le fait. Qui croire de préférence ? Des hommes tels que ces presbytres, ou un Ptolémée, qui n’a jamais vu d’apôtres et qui, fût-ce en songe, n’a jamais suivi les traces d’aucun d’entre eux ?
Il n’est pas jusqu’aux Juifs disputant alors avec le Seigneur Jésus-Christ qui n’aient clairement indiqué la même chose. Quand en effet le Seigneur leur dit : « Abraham, votre père, a exulté à la pensée de voir mon jour ; il l’a vu, et il s’est réjoui », ils lui répondent : « Tu n’as pas encore cinquante ans, et tu as vu Abraham ? » Une telle parole s’adresse normalement à un homme qui a dépassé déjà la quarantaine et qui, sans avoir encore atteint la cinquantaine, n’en est cependant plus très loin. Par contre, à un homme qui n’aurait eu que trente ans, on aurait dit : « Tu n’as pas encore quarante ans. » Car, s’ils voulaient le convaincre de mensonge, ils devaient se garder d’outrepasser de beaucoup l’âge qu’on lui voyait : ils donnaient donc un âge approximatif, soit qu’ils aient connu son âge véritable par les registres du recensement, soit qu’ils aient conjecturé son âge en voyant qu’il devait avoir plus de quarante ans et, en tout cas, sûrement pas trente ans. Car il eût été tout à fait déraisonnable de leur part d’ajouter mensongèrement vingt ans, alors qu’ils voulaient prouver qu’il était postérieur à l’époque d’Abraham. Ils disaient ce qu’ils voyaient, et celui qu’ils voyaient n’était pas apparence, mais vérité. Le Seigneur n’était donc pas beaucoup éloigné de la cinquantaine, et c’est pour cela que les Juifs pouvaient lui dire : « Tu n’as pas encore cinquante ans, et tu as vu Abraham ? »
Selon les indications contenues dans les évangiles et corroborées par les historiens de l’époque, Jésus est né le 29 septembre de l’an 2 av JC et il est mort le 3 avril de l’an 33 ap JC à l’âge de 34 ans et 7 mois. Il est donc surprenant de lire qu’à l’époque d’Irénée, vers 180 ap JC, les chrétiens étaient convaincus que Jésus avait atteint la cinquantaine, l’âge crédible pour être un rabbin. Irénée allait jusqu’à avancer que c’était les apôtres eux-mêmes qui avaient transmis que Jésus avait vécu plus de 50 ans, mais si Jésus avait 50 ans, cela pose des sérieux problèmes de chronologie. Irénée a aussi établi la naissance de Jésus en l’an 2 av JC quand il déclare que Jésus est né dans la 41e année du règne d’Octave qui a duré de -43 avJC à 14 ap JC (Contre les hérésies III:21:3). Irénée ne réalisait évidemment pas que cela reportait la mort de Jésus bien après que Ponce Pilate eut quitté sa charge de préfet de Judée en 36 ap JC.
Irénée disait se baser sur ce que l’apôtre Jean a transmis aux anciens des églises d’Asie dont faisait partie Polycarpe qui avait enseigné personnellement Irénée. En plus, Irénée va aussi trouver un appui dans le discours entre les juifs et Jésus dans Jean 8:56-48.
Jn.8:56 Abraham, votre père, a tressailli de joie de ce qu’il verrait mon jour : il l’a vu, et il s’est réjoui.
57 Les Juifs lui dirent : Tu n’as pas encore cinquante ans, et tu as vu Abraham !
58 Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, je suis.
Il y a cependant trop d’évidences pour souscrire à ce qu’avance Irénée sur l’âge avancé de Jésus. Nous sommes donc poussés à appliquer l’analogie du « téléphone arabe » dans la transmission des informations concernant l’âge de Jésus de l’apôtre Jean à Irénée via Polycarpe.
Au VIe siècle de ce qui devint l’ère chrétienne, sur des calculs erronés du moine Denys le Petit, le calendrier julien en vigueur prit une nouvelle origine. De l’an 247 du règne de Dioclétien, on passa à l’an 532 de l’ère chrétienne, tout en conservant le 1er janvier comme Nouvel An. La date de Noël, marquant la naissance de Jésus, fut fixée pour des raisons symboliques au 25 décembre, afin de fixer sa circoncision (le 8ème jour) au 1er jour de l’an 1.
Cette question de la date de naissance de Jésus semble toutefois assez importante pour que le pape Benoît XVI revienne en 2012 sur le sujet dans son ouvrage L’enfance de Jésus : Le moine Dionysius Exiguus « s’est à l’évidence trompé de quelques années dans ses calculs. » […] « La date historique de la naissance de Jésus est donc à fixer quelques années auparavant. » – Wikipedia
Ainsi c’est à cause d’un moine plusieurs siècles après Jésus que nous sommes en retard sur le calendrier. Je vous laisse donc faire le calcul pour déterminer l’année réelle après Jésus-Christ car je n’ai pas l’intention de mettre à jour chaque année cette page ! Le pape Benoît XVI a exagéré en parlant de quelques années, je vous suggère plutôt d’ajouter vous-même 15 mois à la date affichée en bas de page pour avoir une idée plus proche de la réalité du temps écoulé depuis la naissance de Jésus.
Extrait de Irénée de Lyon « Contre les Hérésies »
Au surplus, s’il n’avait que trente ans lorsqu’il vint au baptême, il avait l’âge parfait d’un maître lorsque, par la suite, il vint à Jérusalem, de telle sorte qu’il pouvait à bon droit s’entendre appeler maître par tous : car il n’était pas autre chose que ce qu’il paraissait, comme le disent les docètes, mais, ce qu’il était, il le paraissait aussi. Étant donc maître, il avait aussi l’âge d’un maître. Il n’a ni rejeté ni dépassé l’humaine condition et n’a pas aboli en sa personne la loi du genre humain, mais il a sanctifié tous les âges par la ressemblance que nous avons avec lui. C’est, en effet, tous les hommes qu’il est venu sauver par lui-même —, tous les hommes, dis-je, qui par lui renaissent en Dieu : nouveau-nés, enfants, adolescents, jeunes hommes, hommes d’âge. C’est pourquoi il est passé par tous les âges de la vie : en se faisant nouveau-né parmi les nouveau-nés, il a sanctifié les nouveau-nés; en se faisant enfant parmi les enfants, il a sanctifié ceux qui ont cet âge et est devenu en même temps pour eux un modèle de piété, de justice et de soumission; en se faisant jeune homme parmi les jeunes hommes, il est devenu un modèle pour les jeunes hommes et les a sanctifiés pour le Seigneur. C’est de cette même manière qu’il s’est fait aussi homme d’âge parmi les hommes d’âge, afin d’être en tout point le Maître parfait, non seulement quant à l’exposé de la vérité, mais aussi quant à l’âge, sanctifiant en même temps les hommes d’âge et devenant un modèle pour eux aussi. Finalement il est descendu jusque dans la mort, pour être le Premier-né d’entre les morts, celui qui a la primauté en tout l’Initiateur de la vie, antérieur à tous les hommes et les précédant tous.
Mais les hérétiques, pour pouvoir étayer leur fiction à l’aide de la parole de l’Ecriture : «… publier une année de grâce du Seigneur », disent qu’il a prêché pendant une seule année et qu’il a souffert sa Passion au douzième mois. Ce faisant, à l’encontre de leur propre doctrine et sans même s’en rendre compte, ils réduisent à néant toute l’œuvre du Seigneur et enlèvent à celui-ci la période la plus nécessaire et la plus honorable de sa vie, je veux dire celle de l’âge avancé, pendant laquelle il a été le guide de tous par son enseignement. Car comment aurait-il eu des disciples, s’il n’avait pas enseigné? Et comment aurait-il pu enseigner s’il n’avait pas eu l’âge d’un maître ? Quand il vint au baptême, il n’avait point encore accompli sa trentième année, mais était au début de celle-ci. Luc indique en effet l’âge du Seigneur en ces termes : « Jésus commençait sa trentième année », lorsqu’il vint au baptême. S’il a prêché pendant une seule année à partir de son baptême, il a souffert sa Passion à trente ans accomplis, alors qu’il était encore un homme jeune et n’avait point encore atteint un âge avancé. Car, tout le monde en conviendra, l’âge de trente ans est celui d’un homme encore jeune, et cette jeunesse s’étend jusqu’à la quarantième année : ce n’est qu’à partir de la quarantième, voire de la cinquantième année qu’on descend vers la vieillesse. C’est précisément cet âge-là qu’avait notre Seigneur lorsqu’il enseigna : l’Evangile l’atteste, et tous les presbytres d’Asie qui ont été en relations avec Jean, le disciple du Seigneur, attestent eux aussi que Jean leur transmit la même tradition, car celui-ci demeura avec eux jusqu’aux temps de Trajan. Certains de ces presbytres n’ont pas vu Jean seulement, mais aussi d’autres apôtres, et ils les ont entendus rapporter la même chose et ils attestent le fait. Qui croire de préférence ? Des hommes tels que ces presbytres, ou un Ptolémée, qui n’a jamais vu d’apôtres et qui, fût-ce en songe, n’a jamais suivi les traces d’aucun d’entre eux ?
Il n’est pas jusqu’aux Juifs disputant alors avec le Seigneur Jésus-Christ qui n’aient clairement indiqué la même chose. Quand en effet le Seigneur leur dit : « Abraham, votre père, a exulté à la pensée de voir mon jour ; il l’a vu, et il s’est réjoui », ils lui répondent : « Tu n’as pas encore cinquante ans, et tu as vu Abraham ? » Une telle parole s’adresse normalement à un homme qui a dépassé déjà la quarantaine et qui, sans avoir encore atteint la cinquantaine, n’en est cependant plus très loin. Par contre, à un homme qui n’aurait eu que trente ans, on aurait dit : « Tu n’as pas encore quarante ans. » Car, s’ils voulaient le convaincre de mensonge, ils devaient se garder d’outrepasser de beaucoup l’âge qu’on lui voyait : ils donnaient donc un âge approximatif, soit qu’ils aient connu son âge véritable par les registres du recensement, soit qu’ils aient conjecturé son âge en voyant qu’il devait avoir plus de quarante ans et, en tout cas, sûrement pas trente ans. Car il eût été tout à fait déraisonnable de leur part d’ajouter mensongèrement vingt ans, alors qu’ils voulaient prouver qu’il était postérieur à l’époque d’Abraham. Ils disaient ce qu’ils voyaient, et celui qu’ils voyaient n’était pas apparence, mais vérité. Le Seigneur n’était donc pas beaucoup éloigné de la cinquantaine, et c’est pour cela que les Juifs pouvaient lui dire : « Tu n’as pas encore cinquante ans, et tu as vu Abraham ? » Concluons-en que le Seigneur n’a pas prêché pendant une année seulement et qu’il n’a pas souffert sa Passion le douzième mois. Car jamais le temps écoulé de la trentième à la cinquantième année n’équivaudra à une année, à moins que peut-être ce ne soient des années d’une telle longueur qu’ils attribuent à leurs Eons siégeant en bon ordre auprès de l’Abîme dans le Plérôme — ces Eons dont le poète Homère a dit, inspiré lui aussi par leur Mère d’erreur : « Les dieux, assis auprès de Zeus, s’entretenaient ensemble sur un pavement d’or. »
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