Le jour du Seigneur dont parle Jean désigne-t-il le dimanche ou le jour du retour de Jésus ? J’ai étudié la question en me basant sur le grec.

Tout dépend de l’expression dans la langue originale en grec, car c’est traduit de la même façon en français. Parlons donc un peu du jour du Seigneur en regardant tout d’abord cette expression en grec, la langue originale du Nouveau Testament.

Apocalypse 1:10 Je fus ravi en esprit au jour du Seigneur (kuriaka), et j’entendis derrière moi une voix forte, comme le son d’une trompette

On retrouve le mot (kuriaka) une seule autre fois dans le Nouveau Testament.

1Corinthiens 11:20 Lors donc que vous vous réunissez, ce n’est pas pour manger le repas du Seigneur (kuriaka)

Relisons ces deux passages dans la version Darby, qui suit de près le texte original en grec.

1Corinthiens 11:20 Quand donc vous vous réunissez ensemble, ce n’est pas manger la cène dominicale (kuriaka) : (DARBY)

Apocalypse 1:10 Je fus en Esprit, dans la journée dominicale (kuriaka) , et j’ouïs derrière moi une grande voix, comme d’une trompette, disant: (DARBY)

Le mot employé (kuriaka) est l’adjectif de kurios (Seigneur), le suffixe -ka en grec désigne l’appartenance. C’est le repas du Seigneur, le repas qui est consacré au Seigneur, de même c’est le jour du Seigneur, le jour qui est consacré au Seigneur.

C’est bien différent de l’expression « jour du Seigneur » désignant le retour de Jésus dans les versets que je cite ci-dessous. En français, on ne saisit pas la distinction d’après l’expression « Jour du Seigneur » : qui traduit autant (emeran kuriou) que (emera kuriaka).

Emeran (jour) kuriou (complément indirect de Kurios), c’est ainsi en grec dans toutes les citations ci-dessous se référant au retour de Jésus. Si Jean avait voulu suivre l’usage consacré pour en parler, il aurait écrit « emeran kuriou » au lieu de « emera kuriaka ». C’est dommage que certaines traductions françaises n’aient pas tenu compte de cela, car cela porte à confusion inutilement.

Actes 2:20 Le soleil se changera en ténèbres, et la lune en sang, avant l’arrivée du jour du Seigneur (emeran kuriou) , de ce jour grand et glorieux.

1Thessaloniciens 5:2 Car vous savez bien vous-mêmes que le jour du Seigneur (emeran kuriou) viendra comme un voleur dans la nuit.

2Pierre 3:10 Le jour du Seigneur (emeran kuriou) viendra comme un voleur ; en ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les oeuvres qu’elle renferme sera consumée.

1Corinthiens 5:5 qu’un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur (emeran tou kuriou) Jésus.

2Corinthiens 1:14 comme vous avez déjà reconnu en partie que nous sommes votre gloire, de même que vous serez aussi la nôtre au jour du Seigneur Jésus (emeran tou kuriou)

(« tou » est l’article indiquant le complément indirect en grec, il n’était pas nécessaire de le mettre, alors on l’omettait souvent dans des expressions fréquemment employées).

Maintenant qu’on a établi que le jour du Seigneur dont parlait Jean était à distinguer du jour du Seigneur désignant le retour de Jésus, déterminons à quoi faisait référence le jour du Seigneur dans la pensée de Jean.

Au départ, les chrétiens qui étaient seulement des juifs ont continué à tenir leurs réunions le samedi comme ils le faisaient auparavant à la synagogue. Dès les temps anciens cependant, les églises chrétiennes composées de non-juifs se sont réunies le dimanche et ont consacré ce jour en l’honneur de la résurrection de Jésus. Par exemple, c’était le cas de l’église de Troas, composée majoritairement de non-juifs suite au ministère de Paul qui se consacrait dorénavant à l’évangélisation des païens (Actes 13:45-49), c’est le dimanche que Paul y prit le repas du Seigneur (Actes 20:7).

Actes 13:45 Les Juifs, voyant la foule, furent remplis de jalousie, et ils s’opposaient à ce que disait Paul, en le contredisant et en l’injuriant. 46 Paul et Barnabas leur dirent avec assurance: C’est à vous premièrement que la parole de Dieu devait être annoncée; mais, puisque vous la repoussez, et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voici, nous nous tournons vers les païens. 47 Car ainsi nous l’a ordonné le Seigneur: Je t’ai établi pour être la lumière des nations, pour porter le salut jusqu’aux extrémités de la terre. 48 Les païens se réjouissaient en entendant cela, ils glorifiaient la parole du Seigneur, et tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent. 49 La parole du Seigneur se répandait dans tout le pays.

Actes 20:7 Le dimanche, nous étions réunis pour rompre le pain. Comme il devait partir le lendemain, Paul s’entretenait avec les disciples, et il a prolongé son discours jusqu’à minuit.

C’est pourquoi Paul pouvait dire aux Corinthiens qu’ils mettent à part leur offrande le dimanche pour l’amener ensuite à l’église. Si la réunion s’était tenue le samedi, cela n’aurait pas fait de sens de mettre de côté l’offrande spéciale pour les pauvres le lendemain matin de la réunion de culte ! Il fallait que la réunion d’église se tienne le dimanche pour que Paul parle ainsi.

1Corinthiens 16:1 En ce qui concerne la collecte en faveur des saints, faites, vous aussi, comme je l’ai prescrit aux Eglises de la Galatie: 2 que chacun de vous, le dimanche, mette de côté chez lui ce qu’il pourra, en fonction de ses moyens, afin qu’on n’attende pas mon arrivée pour récolter les dons.

Le dimanche était le jour de congé répandu dans l’empire romain pour ceux qui rendaient un culte au soleil, alors c’était tout à fait normal que les chrétiens non juifs en profitent pour se réunir ce jour où ils en avaient la possibilité de le faire. Les juifs avaient reçu l’exemption de travailler le samedi pour les apaiser, mais ce privilège n’était pas accordé à ceux qui n’étaient pas juifs. De plus, les chrétiens enseignés par Paul soulignaient en se réunissant le dimanche que pour eux dans la nouvelle alliance, tous les juifs s’équivalaient (Romains 14:5), alors le choix du jour de réunion était choisi non en fonction de la loi de l’ancienne alliance ou pour rendre un culte au soleil, mais en fonction de la disponibilité de se réunir. Ce n’est pas un hasard que Jésus soit ressuscité un dimanche et qu’on en vienne à le désigner comme était le jour dominical pour s’approprier ce jour que les romains païens avaient consacré au dieu soleil (sun-day). Maintenant les chrétiens honorent celui qu’on surnomme le soleil de justice (Malachie 4:2), celui qui avait créé le soleil (Jean 1:3), celui dont l’éclat surpasse le soleil (Actes 26:13) et qui nous fera resplendir comme le soleil (Matthieu 13:43).

En Europe, le dimanche est considéré comme un jour de repos depuis le règne de l’empereur romain Constantin Ier qui en a fait le « Jour du Soleil » par une loi du 7 mars 321 en hommage au Soleil invaincu. – citation prise sur Wikipedia

Romains 14:5 L’un fait une différence entre les jours, un autre les estime tous égaux. Que chacun ait dans son esprit une pleine conviction. 6 Celui qui fait une distinction entre les jours le fait pour le Seigneur et celui qui ne fait pas

Romains 10:4 car Christ est la fin de la loi pour que tous ceux qui croient reçoivent la justice.

Les écrits des Pères de l’Église qui ont connu les apôtres et leurs successeurs montrent que les églises ont continué à se réunir le dimanche pour les mêmes raisons que Paul l’avait fait. – Ignace d’Antioche aux Magnésiens vers 100 ap JC, qui avait connu l’apôtre Jean, leur a écrit ce qui suit :.

Si donc ceux qui vivaient dans l’ancien ordre de choses sont venus à la nouvelle espérance, n’observant plus le sabbat, mais le jour du Seigneur, jour où notre vie s’est levée par lui et par sa mort, – quelques-uns le nient; mais c’est par ce mystère que nous avons reçu la foi, et c’est pour cela que nous tenons ferme, afin d’être trouvés de véritables disciples de Jésus-Christ, notre seul maître ».

Justin Martyr, qui a écrit seulement quelques dizaines d’années après l’Apocalypse de Jean, racontait que c’était l’habitude des chrétiens de se réunir le dimanche (Première Apologie, chapitre 67). Justin Martyr dit ce qui suit dans ses échanges avec le juif Tryphon:

X.1 [Justin à Tryphon et ses amis] Mes amis, que nous reprochez-vous? Est-ce de ne pas vivre selon la loi, de ne pas nous soumettre à la circoncision, ainsi que le faisaient vos pères; de ne point observer comme vous le jour du sabbat ? (…) [Réponse de Tryphon :] En effet, vous n’observez ni les fêtes, ni le sabbat, ni la circoncision; vous placez votre espérance dans un crucifié

Donc, cette pratique de tenir les réunions le dimanche remonte aux églises établies par l’apôtre Paul et cette pratique est devenue rapidement la coutume pour toutes les églises établies en dehors d’Israël, au point où l’apôtre Jean utilise aussi l’expression « jour du Seigneur » littéralement « jour dominical » en grec, pour parler du dimanche quand il écrit aux sept églises établies en Asie Mineure. Rappelons que Jean avait été une des colonnes de l’église de Jérusalem (Galates 2:9) qui avait continué à tenir ses réunions principalement le samedi, car ils étaient encore tous zélés dans l’observation de la loi de Moïse (Actes 21:20).

C’est dans cette mouvance que le concile de Laodicée en 363 a décidé de sanctifier le dimanche plutôt que le samedi. Cela n’était pas nécessaire à mon avis puisque Paul estimait tous les jours, pour lui chaque jour était un jour où pouvait se manifester le salut de Dieu (2Corinthiens 6:2). Possiblement ce qui les a motivés à agir ainsi, c’était pour se démarquer plus distinctement du judaïsme qui avait excité les autorités romaines à persécuter les chrétiens pendant les premiers siècles de l’église. Depuis 325, l’empire romain avait cessé de persécuter les chrétiens, n’étant plus motivé à faire plaisir aux Juifs qui avaient fait crucifier celui qui était maintenant reconnu comme le Seigneur et Sauveur du monde par les dirigeants mêmes de l’empire.

décembre 29, 2019

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