La grâce irréaliste et le combat intérieur
Il existe un certain type de ministère qui est cruel. Ce n’est pas volontaire mais c’est ainsi. L’objectif est de magnifier la grâce, mais on obtient l’opposé. Il minimise le problème du péché et perd contact avec le plan de Dieu.
Quel genre de ministère est-ce ? C’est un ministère évangélique basé sur l’acceptation de la Bible comme étant la Parole de Dieu ; la justification par la foi, la nouvelle naissance par l’Esprit et la nouvelle vie dans la puissance de la résurrection de Christ. Son but est d’amener les gens à la nouvelle naissance et de les conduire à la meilleure expérience de vie de ressuscités. En tout point, c’est un ministère de l’évangile.
Mais si sa doctrine est bonne, comment cela a-t-il pu mal tourné ? La réponse est qu’un ministère qui est totalement accaparé par les vérités de l’évangile peut encore mal tourné en donnant une application déficiente à ces vérités.
Ce type de ministère commence en soulignant, dans un contexte évangélique, la différence que cela fait de devenir chrétien. Non seulement cela apporte à l’homme le pardon des péchés, la paix de la conscience et la communion avec Dieu en tant que Père; cela signifie aussi que, par la puissance du Saint-Esprit qui réside en lui, l’homme sera capable d’avoir la victoire sur les péchés qui le maîtrisaient auparavant, avec la lumière et la direction que Dieu lui donnera, il sera capable de trouver une solution à ses problèmes auparavant insurmontables de direction, de réussite, de relations personnelles et de désirs du coeur.
Ainsi exprimées, dans des termes généraux, ces grandes assurances sont scripturaires et véridiques – Dieu soit loué, elles le sont ! Mais il est possible de les appuyer au point de minimiser le côté rude de la vie chrétienne – l’émondage quotidien, la guerre sans fin avec le péché et Satan, la marche périodique dans les ténèbres. Cela donne l’impression que la vie chrétienne est un douillet lit de roses, un état où tout est agréable dans le jardin en tout temps, où les problèmes n’existent plus – ou, s’ils surviennent, ils ont seulement besoin d’être apportés au trône de la grâce, et ils fondront à l’instant. C’est suggérer que le monde, la chair et le diable ne causeront pas de problèmes sérieux à un homme une fois qu’il est devenu chrétien, qu’il n’expérimentera plus de circonstances adverses, de relations interpersonnelles difficiles ni de problèmes de conduite personnelle.
Voilà qui est cruel, des fausses attentes sont créées. Cette cruauté n’est pas de la malice, elle est motivée par une bonté irresponsable. Le prédicateur veut gagner ses auditeurs à Christ ; par conséquent, il embellit la vie chrétienne, la rendant joyeuse et sans souci autant qu’il peut, afin de les attirer. Ces exagérations causent du dommage chez ceux qui y adhèrent avec la certitude que leurs casse-têtes sont derrière eux. Après les premières grandes vagues de joie de la nouvelle naissance des premières semaines, ils s’aperçoivent que ce n’est pas de même que ça marche ; ils continuent à avoir des problèmes de colère, de relations interpersonnelles, de besoin non comblés, de tentations dérangeantes, parfois même plus qu’avant leur conversion ! Dieu ne rend pas leurs circonstances plus faciles. Que vont-ils penser maintenant ?
La vérité est que Dieu est très doux avec les nouveaux-nés spirituels. Souvent le début de la nouvelle vie est marqué par de grandes joies, de providences éclatantes, de réponses remarquables aux prières et de témoignages fructueux; Dieu les encourage ainsi et les établit. Mais à mesure qu’ils grandissent et sont capables d’en supporter plus, Dieu les entraîne à une école plus ardue. Il les expose à des tests par la pression d’influences opposées et décourageantes selon leur capacité d’endurance.
1Corinthiens 10:13 Aucune tentation ne vous est survenue qui n’ait été humaine. Dieu est fidèle, et il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces; mais avec la tentation il préparera aussi le moyen d’en sortir, afin que vous puissiez la supporter.
C’est ainsi que Dieu forme leur caractère, fortifie leur foi, et les prépare à aider les autres. Alors Dieu peut se glorifier dans leurs vies, rendant sa force parfaite dans leur faiblesse. Il n’y a donc rien d’anormal d’expérimenter une augmentation des tentations, des conflits et des pressions dans la marche chrétienne avec Dieu. En vérité, il y aurait quelque chose qui serait aller de travers si ce n’était pas le cas. Mais le chrétien, qui s’était fait dire que la vie chrétienne normale est sans nuage et sans problème, ne peut que conclure qu’il s’est écarté de la bonne voie. Sa question sera alors: comment puis-je retrouver le droit chemin ?
Ceci manifeste un second aspect cruel de ce type de ministère. Ayant créé un esclavage en conduisant les jeunes chrétiens à regarder toutes les expériences de frustration et de perplexité comme des signes de marginalité spirituelle, ce ministère empire l’esclavage en proposant une remède pour se débarrasser de ces expériences. Il insiste sur le diagnostic de la «lutte» – qu’il équivaut à la «défaite» – causé par un relâchement du maintien de la consécration et de la foi. Il dit alors que le converti s’est refroidi, est devenu insouciant ou à fait un compromis quelconque dans son obéissance ou à cesser de faire confiance à tout instant au Seigneur et c’est pourquoi il expérimente ces difficultés. Par conséquent, le remède est de trouver, confesser et abandonner ce qui l’a fait régresser ; se consacrer au Seigneur, maintenir sa consécration et apprendre l’habitude, quand les problèmes et les tentations surviennent, de les apporter à Jésus pour qu’il s’en occupe. S’il accomplit cela, il se retrouvera une fois de plus, autant théologiquement que pratiquement, au sommet de la vie chrétienne.
Il est vrai que les chrétiens peuvent régresser dans le péché, ils seront misérables alors. Si c’est le cas, alors le remède ci-dessus s’appliquent en effet à eux. Mais ce n’est pas toujours le cas, prenons exemple de Job, des psalmistes, des récepteurs de l’épître aux hébreux, cf. Hé.12:4-11, Pr.3:11-12. Tous ont eu part à la correction du bon Père céleste afin que leur résistance augmente et que leur caractère soit formé.
Hébreux 12:4 Vous n’avez pas encore résisté jusqu’à la mort dans votre lutte contre le péché,
5 et vous avez oublié cette parole d’encouragement que Dieu vous adresse comme à des fils: Mon fils, ne prends pas à la légère la correction du Seigneur et ne te décourage pas lorsqu’il te reprend.
6 Car le Seigneur corrige celui qu’il aime: il châtie tous ceux qu’il reconnaît pour ses fils.
7 Supportez vos souffrances: elles servent à vous corriger. C’est en fils que Dieu vous traite. Quel est le fils que son père ne corrige pas?
8 Si vous êtes dispensés de la correction qui est le lot de tous les fils, alors vous êtes des enfants illégitimes, et non des fils.
9 D’ailleurs, nous avions nos parents terrestres pour nous corriger, et nous les respections. N’allons-nous pas, à plus forte raison, nous soumettre à notre Père céleste pour avoir la vie?
10 Nos parents nous corrigeaient pour un temps limité, selon leurs idées, mais Dieu, c’est pour notre bien qu’il nous corrige, afin de nous faire participer à sa sainteté.
11 Certes, sur le moment, une correction ne semble pas être un sujet de joie mais plutôt une cause de tristesse. Mais par la suite, elle a pour fruit, chez ceux qui ont ainsi été formés, une vie juste, vécue dans la paix.
Proverbes 3:11 Mon fils, si l’Eternel te corrige, n’en fais pas fi, s’il te reprend, ne t’impatiente pas,
12 car c’est celui qu’il aime que l’Eternel reprend, agissant comme un père avec lui avec l’enfant qu’il chérit.
Cependant qu’est-ce qui se produit chez des chrétiens dévoués recevant le remède mis de l’avant par ce type de ministère? Ils sont à la recherche de défaillances inexistantes dans leur consécration, croyant que s’ils arrivent à trouver ces défaillances, ils pourront les confesser, les abandonner et retrouver l’expérience de leur enfance spirituelle que Dieu a décidé de mettre derrière eux pour les faire passer à d’autres choses pour les faire grandir en maturité spirituelle. Cela produit une régression spirituelle et une irréalité ; cela les place en contradiction avec le plan de Dieu pour leur vie. C’est cruel car cela freine le développement spirituel, produisant à tout le moins des adultes gémisseurs, irresponsables, égocentriques, au pire cela conduit des chrétiens sincères et honnêtes à l’introspection morbide, l’hystérie, la dépression et la perte de foi dans sa forme évangélique.
Qu’est-ce qui cloche avec cet enseignement ? Il ne tient pas compte de l’enseignement du Nouveau Testament à propos de la sanctification et du combat spirituel. Il ne comprend pas le sens de la croissance dans la grâce ni les actions du péché dans l’homme. Il confond la vie chrétienne sur terre et la vie chrétienne comme elle le sera au ciel. Il conçoit mal la psychologie de l’obéissance chrétienne (l’activité suscitée par le Saint-Esprit, non pas la passivité suscitée par le Saint-Esprit). Fondamentalement, il a perdu de vue l’oeuvre et le but de la grâce.
La grâce de Dieu ne consiste pas à nous préserver des attaques de Satan, du monde et de la chair, des mauvaises circonstances ou des troubles causés par notre caractère déficient, mais plutôt à nous y exposer pour que nous réalisions notre incompétence, ce qui nous pousse à s’attacher à Dieu plus fermement. Si tout baignait dans l’huile, nous ne serions pas portés à dépendre de Dieu. Dieu a donc fait en sorte que nos péchés et nos manquements soient une discipline éducatrice pour nous apprendre à nous confier en lui seulement et non en nos propres capacités comme nous sommes naturellement portés à le faire.
L’irréalité dans la religion est une chose maudite qui fait de grands dommages. Nous avons besoin que Dieu nous rendre réalistes face à ce que nous sommes et à qui il est. Nous serons ainsi efficaces dans le bon combat de la foi.
Texte inspiré en grande partie du chapître «These inwards trials» du livre «Knowing God» par J.I. Packer
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